Encrage de comics

Il n’y a rien à dire, les américains excellent dans la réalisation de traités pratiques. Plusieurs raisons expliquent vraisemblablement cet état de fait, à commencer par la valorisation de ce type d’approches (alors qu’il semble que nous leur préférions, en Europe francophone, des angles plus théoriques) et le fait que l’enseignement de la discipline fait partie des habitudes bien ancrées des artistes d’outre-Atlantique. Qu’on se rappelle qu’un ouvrage aussi important que La bande dessinée, art séquentiel, est un recueil des notes de cours de Will Eisner. Mais aussi que McCloud conçoit ses livres comme de véritables manuels didactiques. Qu’on se souvienne des traités de dessin réalisés par Burne Hogarth.
Encrage de comics fait assurément partie de ces traités d’apprentissage remarquables.  Entièrement réalisé dans un objectif pédagogique, il propose une vision pratique et opérationnelle du crayonné et surtout de son encrage ultérieur. Certes dans le cadre spécifique d’une certaine pratique de la bd (le comic book de super-héros en l’occurrence), mais de manière exemplaire. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer le projet de l’ouvrage et la manière dont il y parvient.
L’ouvrage vise à mettre en évidence la façon dont s’opère l’encrage d’une bande dessinée, et les différentes façons d’aborder cette pratique. Outre les explications limpides de Gary Martin qui occupent la première partie du livre, 10 pages (des planches ou des dessins uniques) crayonnées par 8 artistes différents (dont certains de tout premier ordre comme Jack Kirby, Gil Kane ou John Buscema) sont ensuite encrées par une trentaine de spécialistes, dont certains sont aussi très réputés. Chacun d’entre eux donne sa vision de son métier et explique succinctement sa façon de faire.
Procédant de différentes façon dans le choix des crayonnés (différentes bd du même dessinateur, même personnage traité par différents dessinateurs), l’ouvrage permet de percevoir toute la diversité qu’il peut y avoir dans le traitement graphique d’une bande dessinée, et expose clairement les choix dans les techniques utilisées, mais aussi dans les partis pris de l’encreur face au travail du dessinateur. Et tout ceci sans gloriole ni prétention, parfaitement abordable et compréhensible par n’importe quel lecteur, qu’il soit lui-même praticien ou non.
Utile au dessinateur, à l’encreur ou au responsable éditorial, comme l’a souhaité son auteur, ce livre ne le sera pas moins à l’amateur éclairé qui souhaite mieux comprendre la pratique de la bande dessinée. Nous recommandons sans hésitation.