Delirium

Un texte drôle et percutant, qui témoigne à la fois d'une vie peu ordinaire (qu'on songe encore à celles d'Uderzo ou de Goscinny, que Druillet évoque d'ailleurs dans ses pages) et des talents de conteurs de celui qui la rapporte, fut-ce par personne interposée. Outre le plaisir de la lecture, qui s'émousse peut-être un peu dans les dernières longueurs, on retiendra des propos intéressants car plutôt rares sur le petit monde de la bande dessinée auquel Philippe Druillet a largement participé. Un hommage appuyé à Jean-Pierre Dionnet par exemple, ou un jugement à méditer sur Jean Giraud (« son principal défaut est qu'il voulait être le premier [...]. Il était mégalomaniaque et hystérique, mais il avait les moyens de ses ambitions. [...] Il nous baratinait avec ses transes mystiques alors qu'il n'a fumé que deux pétards dans sa vie »). Cela dit, il conviendra de ne pas prendre comptant toutes les affirmations de l'auteur. Comme l'explique David Alliot, « parfois, la mémoire le lâche. Une vie d'excès n'est pas sans quelques conséquences fâcheuses ». De fait, à en croire le principal intéressé, « Philippe Druillet, c'est deux bouteilles de scotch par jour, une bouteille de vodka le soir, et le vin à déjeuner et au dîner ». Si l'on est pris par le doute à la lecture de cet énoncé, il reste qu'on pourra confronter le portrait de Farkas fait par Druillet à ce qu'en dit ailleurs, mais sensiblement à la même époque Étienne Robial. Des propos retranscrits dans le catalogue de l'exposition Métal Hurlant (A Suivre). La confrontation ne lèvera pas le doute, mais confortera la nécessité d'un discours analytique et historique sur cette période importante du neuvième art francophone.