Astérix ou les lumières de la civilisation

Pays : France, Paris

Editeur : PUF Presses Universitaires de France

Collection : Partage du savoir

Année d'édition : 2007

Première édition : 2006

232 pages

15,5 x 24 cm - 395 gr

Langue : Français

ISBN : 9782130552659

  • -5%
Astérix ou les lumières de la civilisation - Couverture et dos - (c) Stripologie.com
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Format in-octavo qui protège ses huit cahiers derrière une couverture souple. La maison d'édition universitaire PUF, qui présente ce texte, ne surprend pas dans les choix retenus pour en faire un livre : la composition du texte est claire, conduite sur un long pavé (on admettrait des marges un peu plus larges), rythmé par le rappel du nom de la partie et du chapitre courants en en-tête et par un foliotage centré en bas de la page. Les citations sont insérées avec des retraits de part et d'autres, dans un corps inférieur. En déroule une lecture fluide. Revers de la médaille, les illustrations font défaut : pas une seule reproduction d'un dessin d'Uderzo ne vient compléter l'argumentation de l'auteur. Bibliographie et table des matières, toutes deux précises, mais pas d'index. Le livre n'est plus disponible, l'éditeur ayant renoncé à la vendre au moment même de la sortie du troisième titre de Nicolas Rouvière, Le Complexe d'Obélix.

Notule de lecture d'Olivier Devillers :

L’idée forte qui anime et porte cet ouvrage, issu d’une thèse de doctorat, est que « tout ce qui se dit dans Astérix ne saurait être indifférent » (p. 221). Cette conviction justifie que soient analysés et pourvus de sens les moindres détails de la série. Il s’ensuit une relecture très stimulante de celle-ci, selon une méthode et une problématique (cf. « Introduction » p. 1-13) qui sont profondément, et même radicalement, littéraires. Les spécialistes de la littérature ancienne, notamment, se réjouiront de voir appliquée à une bande dessinée une démarche qui leur est familière : celle qui consiste à traquer la signification de chaque élément du texte et, au-delà de la recherche des intentions conscientes d’un auteur, à s’interroger sur ses intuitions créatrices. En ce sens, beaucoup des remarques qui sont amassées ici, dans la mesure où elles s’appuient sur le texte (et l’image), semblent en elles-mêmes irréfutables (par ex., la récurrence du motif de la marmite ou du chaudron). Par contre, leur mise en système ne convainc pas toujours. Une raison en est le recours fréquent à un symbolisme empreint de subjectivité ; les idées de coupure, de limite… sont particulièrement mises en avant et leur application semble parfois davantage tenir à une construction de l’Auteur de l’étude que traduire des intentions, même inconscientes, des auteurs de la série, par exemple à propos de la potion magique (« désenlacer le corps et l’image ») ou des sangliers (« sang-lier » comme emblème généalogique)… On regrettera aussi l’absence d’une réflexion sur le genre comique auquel ressortit la série. Les impératifs de celui-ci, son ambiguïté, le fait que maintes péripéties scénaristiques n’ont de raison d’être qu’en fonction de calembours rendent difficile une analyse globale d’un corpus constitué de 26 albums (seules sont considérées les collaborations entre Uderzo et Goscinny). Le but premier d’Astérix est, sinon d’atteindre le succès commercial, du moins d’offrir un divertissement et, s’il y a une dimension politique, celle-ci n’est que collatérale, une constatation qui amène à redimensionner certaines des conclusions proposées dans cette étude. Ceci vaut en particulier, à mon sens (mais il s’agit là d’une sensibilité de lecteur), pour l’analyse du village gaulois ; l’explication de celui-ci selon une structure en étoile, en référence au nom même d’Astérix, paraît pécher par excès de subtilité, de même qu’il est a priori difficile de réprimer un sourire lorsqu’on lit que les poissons d’Ordralfabétix incarnent la mère ou qu’Assurancetourix a pour fonction de « rappeler l’existence d’un vide logique pour cimenter le lien social » (p. 162)… Par contre, des observations portant sur des aspects plus ponctuels du récit (par ex. les Goths…) ou sur des éléments « secondaires » de celui-ci (les Romains) se révèlent plus convaincantes, ainsi ce qui regarde la présentation de l’absolutisme romain et égyptien comme infantilisant.

L’éclairage de l’ouvrage par le contexte de rédaction de la série et par la personnalité de ses auteurs – une démarche aussi qui est partie intégrante de l’explication de texte – est également développé, apportant à travers l’évocation de la jeunesse des auteurs, de la vie du journal Pilote, du climat politique de la France des années ’60 et ’70 ou encore la comparaison avec d’autres écrits de Goscinny (le scénario du film Le Viager ou son roman Tous les visiteurs à terre)… des éléments explicatifs intéressants. Mais là encore, au moment de dégager un système, il apparaît qu’il est plus facile de dire ce qu’Astérix n’est pas que ce qu’il est (la sensibilité « mendésienne » n’emporte pas totalement l’adhésion) et le sentiment qui demeure est celui de la complexité de la série, ce que traduit peut-être un peu malgré elle la formule d’« individualisme humaniste » (p. 217). Par ailleurs, à part quelques pages sur le mariage de Goscinny, la vie privée des auteurs est totalement évacuée ; il est difficile de croire que, comme l’a fait leur vie professionnelle, elle n’a pas joué dans l’élaboration de certains épisodes.

En somme, le principal reproche que l’on adressera à ce livre est de vouloir appliquer des grilles de lecture systématiques à un corpus où l’humour et l’humeur du moment interviennent assurément beaucoup, et dans des sens parfois divergents. L’analyse est aussi fortement focalisée sur Astérix et les allusions aux autres séries de Goscinny sont rares. À la page 176, l’Auteur semble proposer San Antonio comme objet d’enquête, mais nous serions pour notre part curieux de voir comment il analyserait l’univers de Lucky Luke, série de laquelle les jeux de mots (refusés par Morris) sont bannis. De même, il aurait été intéressant de se pencher sur la série d’aviation Michel Tanguy, collaboration – abandonnée en 1967 et qui n’est pas mentionnée ici – entre Uderzo et J.-M. Charlier, cité à plusieurs reprises à propos des pirates. Pour autant, nous n’avons pas affaire à une étude-gadget, mais à un vrai travail de réflexion et de recherche qui engage à considérer comme une création littéraire au sens large une forme ludique de réception de l’Antiquité qui n’est pas négligeable, ni – cela est évident – en termes de notoriété, ni en termes de survie, dans la mesure où elle se prête à la constitution d’univers « fictifs » ancrés dans un imaginaire ouvert à de multiples lectures. En cela, ce livre nous convainc qu’Astérix, à travers l’utopie d’un village gaulois (et au-delà de tout recours à l’anachronisme comme ressort comique), est aussi un discours – construit à la fois par ses auteurs, par sa dynamique propre et par ses lecteurs – sur notre propre société.

Source : Anabases n° 4, 2006, 319-321 - (c) Olivier Devillers et Anabases

Sommaire du livre

Remerciements    p. IX

Préface    p. XI

Introduction    p. 1

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PREMIÈRE PARTIE : LA FONCTION PARENTALE DES RÉGIMES POLITIQUES

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Chapitre I - Le fonctionnement secret de l'utopie villageoise    p. 17

Le druide, le barde et le chef : trois garants du principe de la limite    p. 19

Panoramix ou l'institution de la coupure symbolique    p. 19

. Le travail de la serpe    p. 20

. Désenlacer le corps et l'image    p. 22

Assurancetourix, bouc émissaire ?    p. 23

. La notification de l'« innommable »    p. 25

Abraracourcix et le montage politique du tiers    p. 27

. Le bouclier, emblème souverain    p. 27

. La fiction du ciel qui tombe sur les têtes    p. 29

Les marques et emblèmes généalogiques de l'identité    p. 33

Malaise dans la filiation, le cas Obélix    p. 33

. Pépé et la coupure symbolique    p. 35

. Obélix et la permutation symbolique des places    p. 36

. L'enlacement avec l'image maternelle    p. 37

. L'épisode de la marmite ou la seconde naissance : naître du Père    p. 38

Idéfix, sentinelle du déracinement    p. 41

Le sang-lier ou l'institution des liens du sang    p. 45

. Le cochon sauvage, une perversion du lien généalogique    p. 46

Le nom, inscription généalogique de la référence nationale    p. 48

Les rituels villageois, instituants symboliques de l'identité    p. 51

. La danse et la bagarre : une division ritualisée des sexes    p. 51

. La procédure du bannissement, notification de la dette généalogique    p. 52

. Le rituel du banquet    p. 54

.

Chapitre II - L'absolutisme du pouvoir    p. 57

César, dictateur-empereur    p. 58

. Un sénat affaibli, un personnel politique corrompu    p. 58

. Une armée aux ordres    p. 59

. Un peuple fasciné    p. 60

L'automythification du souverain    p. 61

. La divinisation, un tentation révolue    p. 61

. César, auteur et maître de la vérité de l'histoire    p. 64

L'économie absolue du châtiment et de la grâce    p. 66

. Le mythe oblatif du cadeau    p. 66

. Népotisme et favoritisme : une généalogie des places    p. 67

. Les places du cirque    p. 67

La faillite de la fabrique des sujets    p. 69

. L'infantilisation des individus    p. 69

. Le collage à la marmite    p. 71

. Les fantasmes de parricide et de toute-puissance    p. 73

. La fragile construction du sujet    p. 74

L'intervention des Gaulois ou les limites posées à l'absolutisme    p. 75

. La défense de l'État romain comme siège de la souveraineté    p. 76

. César comme homme d'État : la dignité et la clémence    p. 86

. De la théocratie égyptienne à la modernité politique    p. 90

.

Chapitre III - Les régimes barbares de l'indivision    p. 97

L'utopie noire des Goths    p. 98

. Un despotisme aux accents totalitaires    p. 99

. Une fusion des pouvoirs au détriment de la sphère civile    p. 99

. L'image du corps social comme totalité    p. 100

. Le fantasme généralisé de l'homme total    p. 102

. Absolutisme d'État et barbarie : la question des frontières    p. 104

Le naufrage de la désymbolisation: l'association pirate    p. 106

. Genèse d'une parodie    p. 106

. Une société prédatrice    p. 108

. Le renversement du symbolisme généalogique    p. 111

Sortir de la barbarie    p. 113

. Les Normands ou la demande d'une norme fondatrice    p. 113

. Les Vikings ou l'impasse de la horde    p. 117

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DEUXIÈME PARTIE : ASTÉRIX ET LES CRITIQUES DE LA CIVILISATION

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Chapitre I  -Astérix, œuvre gaullienne ?    p. 127

Le mythe gaulois, de la Révolution française à la LIbération    p. 128

L'affaire Alix    p. 130

Une thématique résistancialiste et anti-impérialiste    p. 131

Régionalisme et centralisme    p. 135

La critique du capitalisme    p. 138

Une sensibilité mendésienne    p. 144

.

Chapitre II - Le tournant de la mémoire collective sur les années de guerre    p. 147

Le double refoulement de Vichy : la maladie du corps politique français    p. 148

. Retour sur une imposture : le « bouclier » vichyssois    p. 151

L'enrichissement économique sous l'Occupation    p. 153

La politique d' « apaisement » de la SDB    p. 155

La mise en cause du principe helvétique de neutralité    p. 156

Le recel dans les banques suisses des biens spoliés par l'occupant    p. 157

L'obsession que le pire rate : la conjuration d'un naufrage de l'histoire    p. 159

. L'utopie du bateau croisière, ou l'anti-bateau pirate    p. 160

. Le spectre du nazisme    p. 165

.

Chapitre III - Un tournant de l'histoire de l'individualité : les années 1960-1970    p. 179

La satyre du « dépannage psy »    p. 180

. Le dualisme patient-thérapeute    p. 181

. Une représentation problématique du principe du père    p. 182

La satyre d'une utopie théâtrale : le Living Theatre    p. 184

. Un individualisme anarchiste et contestataire    p. 185

. Le narcissisme social    p. 186

. Vers un vitalisme dangereux et violent    p. 187

La revendication autogestionnaire    p. 188

. La révolution du journal Pilote    p. 189

La révolution des modèles de vie individuels    p. 196

. Le conflit culturel entre les générations    p. 197

. Astérix, une bande dessinée sexiste ?    p. 199

. Un coupe énigmatique : Agecanonix et sa femme    p. 202

Les métamorphoses du politique    p. 206

. Marketing, politique et management    p. 206

. La publicité au pouvoir    p. 209

. La publicité, une nouvelle dogmatique    p. 211

. Un nouvel absolutisme impérial    p. 214

.

Conclusion    p. 219

Bibliographie    p. 223

Table des matières    p. 227

4e de couverture

La bande dessinée Astérix est aujourd'hui traduite en 107 langues et dialectes et vendue à plus de 310 millions d'exemplaires à travers le monde. On ne peut plus invoquer seulement la parodie de « nos ancêtres les Gaulois », lorsque l'écho de la série dépasse ainsi le cadre national. Quelle part universelle demeure donc dans Astérix, qui résiste encore et toujours à la variété des traductions ?
Nicolas Rouvière montre que la série interroge sans cesse la frontière incertaine entre la civilisation et la barbarie. Goscinny et Uderzo confrontent en effet une utopie villageoise démocratique à des régimes absolutistes, voire totalitaires. Et chaque régime a un impact symbolique particulier sur la construction subjective des individus. Une telle modélisation n'est pas sans lien avec l'histoire personnelle des auteurs, qui savent combien le vernis de la civilisation est fragile, dans les sociétés humaines. Créée en 1959 en pleine vague gauillienne résistancialiste, la série fait un retour critique sur les compromissions des années de guette, et s'amuse du tournant de l'histoire de l'individualité, qui intervient dans les années 1965-1975.
De la chute d'Obélix dans la marmite, au couple incongru formé par Agecanonix et son épouse, l'auteur passe en revue tous les thèmes forts de la série. Une lecture stimulante et radicalement nouvelle, à la double lumière de l'anthropologie et de la psychanalyse.

Nicolas Rouvière est maître de conférences en langue et littérature à l'IUFM de Grenoble.

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