La peur au bout du fil

Une partie du commentaire est consacrée à l'explication du travail de réédition d'un ouvrage de l'âge classique de la bande dessinée belge : originaux pas toujours disponibles, clichés de photogravure anciens et parfois altérés, planches de l'artiste conçues pour une parution presse posant la question de leur adaptation éventuelle à une publication en livre... Autant de remarques passionnantes, dont les réponses entraînent des conséquences sur l'objet qui en résulte et la fidélité de la restitution du travail de l'artiste (qui ne se considérait pas toujours comme tel, ce qui n'est d'ailleurs pas sans effet sur ce que nous évoquons). Soit dit en passant, ce type de réflexions engage également la définition de ce qu'est la bande dessinée, de manière extrêmement pragmatique. Mais José-Louis Bocquet et Serge Honorez ne s'aventurent pas ici sur ce terrain.
De plus, le commentaire revient également sur la mise en couleur, autre facette excitante de la même problématique : comment publier, c'est-à-dire reproduire, une bande dessinée. En l'occurrence, Franquin procédait par annotations. Des indications pas toujours respectées par ses éditeurs.
Malheureusement, ces questions ne forment qu'une petite partie du commentaire, qui persiste dans une approche extrêmement généraliste de l'œuvre de Franquin concernée, votre libraire l'a déjà signalé. Mais comme il s'agit du troisième opus de commentaires, tout ceci commence à tourner un peu en rond, et l'on regrette que les auteurs n'aient pas davantage choisi un angle  d'attaque précis plutôt que de faire feu de tout bois. Il faut dire que la méthode du commentaire qui accompagne le texte principal (chaque page d'analyse fait référence à la page extraite de La peur au bout du fil qui lui fait face) est très restrictive : il faut trouver matière à commentaire dans chaque planche, ce qui n'est pas toujours évident. À croire que Bocquet et Honorez ont voulu vraiment passer pour des « exégètes », comme on dit un peu abusivement dans le milieu de la bande dessinée, et entourer de leur glose le texte sacré de Franquin, ainsi qu'on peut le voir dans les anciens manuscrits des trois religions du livre.