Un objet culturel non identifié

Pays : France

Editeur : L'An 2

Collection : Essais

Année d'édition : 2006

Première édition : 2006

204 pages

23 x 16,5 cm - 650 grammes

Langue : Français

ISBN : 9782848560786

  • -5%
Un objet culturel non identifié - Couverture et dos - (c) Stripologie.com
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Présentation semblable aux deux autres titres de la collection Essais des Éditions de L'An deux (Principes des littératures dessinées et Artistes de bande dessinée), cette collection n'ayant pas survécu au rachat de la maison par Actes Sud. Autrement dit, il s'agit d'un faux A5, légèrement plus petit, au dos carré et à la couverture souple soutenue par de profonds rabats s'arrêtant à quelques centimètres de la reliure. L'intérieur, entièrement monochrome, sans la trace d'une seule image (ce qui est peu fréquent dans les ouvrages sur la bande dessinée), a été mis en page par Christian Mattiucci. Le pavé de texte est généreux, d'autant que le titre courant qui rappelle le chapitre a été renvoyé le long du grand bord extérieur de la page, innovation qui ne nous a convaincu qu'à demi. Les lignes sont longues. Pour en voir la fin, il faut incliner légèrement le livre ou le casser, car elles ont tendance à glisser vers le pli intérieur de la reliure. En revanche, nous aimons bien les têtes de chapitres : installées en pages paires, elles accordent avec élégance et originalité l'intitulé du chapitre et la citation introductive. Un index.



Notule de Harry Morgan :

« Selon moi, la bande dessinée est perçue comme ontologiquement dévaluée parce qu'elle pâtit d'un quintuple handicap symbolique. 1° Elle serait un genre bâtard, le résultat d’un métissage scandaleux entre le texte et l’image. 2° Elle peut bien feindre désormais de s’adresser aux adultes, elle ne leur proposerait en vérité rien d’autre que de prolonger leur enfance, ou d’y retomber, son « message » étant intrinsèquement infantile. 3° Elle aurait partie liée avec une branche vile et dégradée des arts visuels : la caricature. 4° Elle n’aurait pas su ou voulu épouser le mouvement de l’histoire des autres arts au cours du XXe siècle. 5° Elle serait dans l’incapacité de produire des images dignes de respect et d’attention du fait de leur multiplicité et de leur petit format. »

Dans un essai incisif, Thierry Groensteen se penche sur le statut culturel de la bande dessinée, en n'épargnant personne, ni lecteurs, ni auteurs, ni éditeurs, ni critiques, ni institutions. Thierry Groensteen, qui est sans contestation possible le plus important théoricien d'expression française du médium bande dessinée, tire aussi les leçons de ses expériences de directeur de revue théorique, de chroniqueur dans un grand quotidien du soir, de directeur du musée de la bande dessinée et d'éditeur.

L'ouvrage est remarquablement écrit et scrupuleusement documenté. Il témoigne d'un sens exceptionnel de la synthèse, l'auteur brassant une masse d'informations considérable et l'ordonnant harmonieusement dans un essai de moins de 200 pages.

L'auteur se place du point de vue d'un univers culturel en quelque sorte idéal et le confronte à une réalité qui se révèle particulièrement décevante. Victime d'abord des handicaps symboliques cités plus haut, la bande dessinée est victime ensuite des attitudes des différents acteurs du secteur. Commercialisme, absence d'histoire, anti-intellectualisme, ce qu'il faut bien appeler une faillite de la critique, des choix institutionnels catastrophiques et enfin le déficit de médiatisation, tels sont les obstacles auxquels est confrontée la bande dessinée, la conséquence étant qu'elle est définitivement rangée dans la culture du divertissement.

Chez les éditeurs, le consensus se fait pour promouvoir des plans économiques infaillibles (principe de la série), tout en tenant un discours triomphaliste sur un genre qui aurait désormais ses lettres de noblesse, qui serait passé à l'âge adulte, etc., ce qui revient à renvoyer toute l'histoire du médium à des balbutiements puérils. Une conséquence est l'absence des classiques (non réédités), et l'absence des auteurs (le lecteur s'en convaincra aisément en vérifiant que, dans les librairies, les albums sont classés... par noms de séries). Cette incapacité à traiter la bande dessinée comme une littérature donne naissance selon Groensteen à la « fan-attitude » et à un commercialisme cynique (les produits dérivés).

Si, dans l'analyse qu'il fait des stratégies commerciales, Thierry Groensteen prête éventuellement le flanc à la critique, c'est dans sa dénonciation de la prédominance de la fantasy et du manga.

Pour ce qui est de la fantasy (réduite en l'occurrence au sword and sorcery), Groensteen cite les publication Soleil et la revue publicitaire de la maison à l'appui d'une thèse qui est la stéréotypie du genre. C'est confondre un genre et l'utilisation médiocre qui en est faite par un éditeur qui, soit dit à sa décharge, n'a jamais dissimulé ses ambitions commerciales ni son choix délibéré du plus petit dénominateur culturel commun. Il se trouve (et T. Groensteen le rappelle à bon escient) que la source de la fantasy contemporaine — les romans de J. R. R. Tolkien — relève d'une littérature savante, qui réactualise un courant allégorique ayant traversé la littérature occidentale. Que cette forme savante soit devenue, sous les plumes et les pinceaux de tâcherons, une collection de poncifs, c'est l'une de ces ironies dont l'histoire de la littérature n'est pas avare.

Quant à la « déferlante manga », qui risque selon Groensteen d'étouffer la production locale, il n'est pas sûr qu'elle représente une menace. Il reste à démontrer que le manga ait pris un seul lecteur à la bande dessinée franco-belge. (On peut penser que les publics qui consomment du manga ne liraient pas de bande dessinée du tout si le manga n'existait pas.) Par contre, le manga permettra peut-être de remettre en branle une bande dessinée francophone « commerciale » dont on est bien forcé de convenir que les modalités et l'inspiration n'ont pas évolué depuis une quarantaine d'années. Autrement dit, le « péril manga » cache peut-être une de ces révolutions des formes, comme la bande dessinée en a connu régulièrement, les formes autochtones devenant désuètes, du fait d'un infini ressassement, et une forme nouvelle s'imposant et venant féconder, par contrecoup, la production locale.

(c) Harry Morgan - The Adamantine

Sommaire du livre

1. Une histoire faite d’anomalies    p. 6

.

2. Les cinq handicaps symoliques    p. 20

. Texte et image : les noces impossibles    p. 23

. Le péché d’infantilisme    p. 32

. La tâche ingrate d’amuser    p. 47

. L’indifférence à l’art    p. 49

. Le regard émietté    p. 51

.

3. La trahison des éditeurs    p. 56

. Le principe de série    p. 59

. Le système des genres    p. 62

. L’indifférenciation des livres    p. 63

. L’interchangeabilité des producteurs    p. 65

. Un art sans mémoire    p. 67

. Un imaginaire sexué    p. 69

. La fan attitude    p. 70

. La dérive des produits    p. 71

. L’édition alternative    p. 73

.

4. Manga et Fantasy    p. 80

. De la contre culture à la culture du divertissement    p. 82

. Les « littératures de l’imaginaire »    p. 87

. Le péril manga    p. 90

. La loi du jugement indifférencié    p. 94

.

5. La bande dessinée mise à nu par ses thuriféraires, même    p. 98

. La querelle des origines    p. 99

. Les pionniers du Celeg    p. 110

. Les propagandistes de la Socerlid    p. 118

. L’héritage du mouvement bédéphile    p. 122

.

6. Bulles d’état    p. 130

. Les aides et leurs limites    p. 133

. Au banc de l’école    p. 135

. Les aventures trépidantes d’un centre national    p. 138

. Le règne du chacun pour soi    p. 147

.

7. En revenant de l’expo    p. 152

. Bande dessinée et figuration narrative    p. 155

. Opéra Bulles    p. 160

. Maîtres de la bande dessinée européenne    p. 164

.

8. Phases critiques    p. 168

. Le déficit de médiatisation    p. 174

. De quelques préférences    p. 178

.

9. Asterix contre la Joconde    p. 182

.

Index des noms cités    p. 196

4e de couverture

La bande dessinée a-t-elle sa place au musée ? S’agit-il d’une forme de littérature ou d’un art visuel ? Pourquoi est-elle toujours soupçonnée d’infantilisme ? Est-elle indifférente aux problématiques de l’art contemporain ? Pourquoi ses origines historiques sont-elles encore un sujet de controverse ?
Est-elle une forme de contre-culture ou appartient-elle à la culture du divertissement ?
Cet essai très documenté répond à ces questions et à beaucoup d’autres. Il interroge la place qu’occupe la bande dessinée dans le paysage culturel aujourd’hui. Il retrace les étapes du processus de légitimation entamé dans les années 1960 et en montre les limites, questionnant aussi la politique de l’Etat, l’attitude de la presse et les pratiques des éditeurs. Il analyse, enfin, les grands handicaps symboliques qui frappent le média. Ecrit dans un langage clair, le livre n’est pas dépourvu d’accents polémiques.
Fondateur des éditions de l’An 2, Thierry Groensteen a été successivement l’animateur des revues Les Cahiers de la bande dessinée et Neuvième Art. Directeur du Musée de la bande dessinée d’Angoulême de 1993 à 2001, commissaire de l’exposition à la  Bibliothèques nationale de France en 2000, il est l’auteur de nombreux ouvrages sur l’histoire et l’esthétique de la bande dessinée.

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