L'apprenti

Ce troisième volume des mémoires dessinées de Shigeru Mura, plus connu sous son pseudonyme de Shigeru Mizuki, est consacré à la carrière de mangaka de l'auteur japonais, initiée dans l'après-guerre. Et l'on constatera que si celle-ci ne peut être comparée à la période du conflit, elle n'est pas sans dureté. Mizuki raconte ainsi la misère des dessinateurs qui, à son instar, ont travaillé pour les librairies de prêts. Les revenus qu'ils en tirent permettent tout juste de survivre. Si Mizuki rencontre subitement le succès après une publication dans la célèbre revue Garo, le mangaka semble passer de Charybde en Scylla. Certes il n'a plus de problème d'argent, mais il doit faire face à une augmentation considérable du volume des commandes, y compris de la part de grande maisons comme Kodansha, mais aussi répondre aux demandes d'adaptations télévisuelles. Une charge de travail qui amène Mizuki à constituer un studio de 7 ou 8 dessinateurs assistants. Tout ceci génère une pression énorme, dont Mizuki dit qu'elle lui est très difficile à vivre, ce qu'on peut admettre aisément si l'on considère la description qu'il donnait de lui-même dans les deux volumes précédents. Le travail de mangaka accapare toute la vie de l'artiste, et ce qu'en dit Mizuki n'est pas sans rappeler les constantes de la vie d'Ozamu Tezuka, en tout cas telle que sa biographie les décrits (éditeurs qui séquestrent l'auteur en attendant la remise des planches, équipes qui attendent les dessins du maître pour se mettre au travall, périodes de travail qui n'en finissent pas de nuit comme de jour, retards chroniques). Mizuki revient également ici sur sa collaboration avec Tsuge et ses rencontres avec Sanpei Shirato dans un ouvrage très introspectif, où il décrit volontiers ses pensées et exprime ce qu'il ressent. La scène des funérailles de la mère de l'artistes est un moment splendide.