Comics U.S.A

Le titre du livre, Comics U.S.A., pourrait laisser entendre que Marc Duveau s'attache à l'ensemble de la bande dessinée américaine. Il n'en est rien. Si Duveau n'ignore nullement la forme quotidienne de la BD d'outre-Atlantique (Comic Strip), c'est bien des fascicules périodiques dont il est question ici (Comic Book). Pour comprendre l'importance de l'ouvrage, il faut considérer qu'il est le premier à offrir une étude savante mais néanmoins très accessible de cette littérature en France. Bien entendu, le titre est désormais ancien, et non exempt d'approximations bien compréhensibles pour l'époque. Ainsi, sans être invisible la figure de Jack Kirby est-elle écrasée par celle de Stan Lee, à qui par exemple l'auteur semble attribuer la création de Captain America. Il faut dire aussi que la préférence de Duveau va manifestement au travail de Steve Ditko, qui fait l'objet d'un long et intéressant développement (son trait est qualifié d' « élégant » quand celui de Kirby est « épais » et dont l'importance est primordiale dans la pensée de l'auteur. Il est d'ailleurs amusant de comparer la préférence de Duveau à celle de Solé, à qui l'on doit la belle couverture du livre : les créatures du Kirby (Les 4 Fantastiques, Captain America, le Surfeur d'argent, Thor) sont largement installées au centre de la couverture.
Mais Duveau ne s'arrête pas à Ditko. Son chapitre consacré à Will Eisner décrit bien sa fascination pour la ville, et ceci alors même que les dernières œuvres du maître américain n'étaient pas encore dessinée (Un contrat avec Dieu date de 1978, Le Building de 1987). S'attachant essentiellement au Spirit, Duveau produit une analyse pertinente, notant par exemple qu'Eisner « utilisait les possibilités des comic strips et des planches dominicales pour aborder des sujets encore tabous pour les éditeurs des illustrés, et conservait l'avantage des comic books, les histoires complètes, supprimant ce besoin de redondance permanente qui encombre le strip ».
De manière générale, Duveau est sensible au travail des dessinateurs, notant à propos de Johnny Craig, de Jack Davis, de Wallace Wood ou encore de Graham Ingels les préférences graphiques de chacun et ce qui caractérise leur trait. Duveau est aussi clairvoyant : il perçoit très bien la nature remarquable du travail d'Eisner, l'originalité des publications de la Marvel (attention portée aux personnages secondaires facilitant les ramifications du récit et, progressivement, d'un complexe d'histoires, c'est-à-dire la création d'un univers entiers), les nouveautés apportées par les 4 Fantastiques de Kirby et Lee.
Enfin, disons que Duveau manie la plume avec précision. Le lire est agréable. On déplorera cependant son manque d'appétence pour les virgules, ou, plus largement, une utilisation parfois déconcertante de la ponctuation.