Comics U.S.A.

Le Comics U.S.A. de 1975 fut assurément un livre remarquable, premier en France à présenter en détail et avec beaucoup d'à-propos cette partie de la bande dessinée nord-amércaine. Sa réédition fortement augmentée de 2018 nous laisse en revanche avec un sentiment indécis. N'aurait-il pas été préférable d'engager un nouveau livre, repensé et réécrit de fond en comble, plutôt que de reprendre un ouvrage qui restait inévitablement marqué par la période à laquelle il fut réalisé ? L'intelligence et la pertinence du titre d'origine ne pâtissaient que modérément des silences et des omissions d'un travail mené quarante années plus tôt. Certes cette nouvelle édition remet les pendules à l'heure, mais elle reste construite sur une base qui n'a que modérément évolué, à savoir les six chapitres centraux sur les douze que comprend le livre.
Pour être plus précis, prenons un exemple. La version initiale du livre laissait dans l'ombre la paternité de Captain America, laissant entendre qu'on pouvait l'attribuer à Stan Lee. La filiation de ce personnage remonte à présent clairement à Joe Simon et à Jack Kirby. Cependant, le rôle de ce dernier, écrasé par les figures de Lee et de Steve Ditko dans la première mouture, ne parvient toujours pas à trouver la place qu'il mérite.
Les ajouts de Duveau sont loin d'être négligeables. Si l'ouverture sur la mort de Superman et de Captain America nous semble anecdotique, les chapitres suivants sont beaucoup plus intéressants. La liaison entre l'édition des Dime Novels, des Pulps et la naissance des Comic books est expliquée avec discernement. On s'arrêtera notamment sur le portrait tracé des premiers entrepreneurs de cette industrie culturelle (les Donnefeld, Leibowitz, Goodman et autres Gaines), moins resplendissants que la légende n'aurait pu le faire croire. Votre libraire a également apprécié le complément des chapitres consacrés à Eisner (partie post-Spirit) et à Ditko (notamment l'amitié et la collaboration avec Stanton). Toutefois, les derniers chapitres perdent progressivement leur intérêt analytique pour devenir, à mesure qu'on s'approche de l'époque contemporaine, un catalogue de publications marquantes. L'ouvrage dont la vocation de panorama historique est inscrite sur la page de garde de cette édition de 2018 (vocation qui était moins évidente dans la première mouture) pâti donc d'une construction globale, élaborée à une période ou les informations sur les comic books étaient bien moins abondantes qu'aujourd'hui, mais aussi d'une approche par famille de personnages, accentuée par les ajouts de cette nouvelle version. On regrette que Duveau, dont l'intelligence du regard ne fait pas l'ombre d'un doute, n'ai pas choisi de produire un tout nouveau livre, renouvelant son approche en s'appuyant sur ce qui faisait la force de son travail initial.